Accompagner la fin de vie — Paroisse Saints Pierre et Paul en Genevois

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Accompagner la fin de vie

Accompagner la fin de vie, c'est une des fonctions de l'aumônier de l'hôpital mais... il n'est pas tout seul

Un accompagnement lourd, mais pas tout seul…                        

La S.L.A., aussi appelée la maladie de Charcot, est une des maladies neurodégénératives des plus difficile à accompagner tant elle génère pour le patient et ses proches une souffrance sur la durée, même si le personnel soignant fait tout pour gérer la douleur : le patient perd progressivement l’usage de ses muscles depuis les jambes jusqu’au cou, et à échéance meurt par étouffement, tout en gardant sa lucidité jusqu’au bout.

Quand lundi 17 décembre Anne, des soins palliatifs, me dit : « Charly, tiens tu pourrais aller aux soins continus voir Monsieur S, peut-être tu pourras lui faire du bien, j’sais pas s’il est croyant mais son épouse a besoin de parler. Il est sous respirateur, il a une SLA. » Juste ces trois petites lettres me glacent le sang. Encore un accompagnement lourd et fatal…. Dur, dur : un grand moment de solitude… Et pourtant "miracle", l’accompagnement que je prévoyais LOURD est devenu FLUIDE : je me suis senti porté.

« Bonjour Madame, Monsieur, je suis l’aumônier catholique de l’établissement. Les soins palliatifs m’ont dit qu’une petite visite pourrait vous faire plaisir » La femme me répond : « oui, mais je ne suis pas croyante mais mon mari, si. »
Je lui répondais que mes visites s’adressaient aussi bien aux croyants qu’au non-croyants. En fait j’ai appris que ceux qui se présentent comme non croyants (en Dieu ou en l’Église) croyaient bien souvent en la VIE et au PARTAGE et suivaient le premier commandement « d’aimer son prochain » bien mieux que beaucoup de chrétiens. Le contact s’est fait très facilement. Je suis tombé sur Danièle, son épouse aimante, attentive aux besoins de son mari et de sa famille et très respectueuse de sa croyance.  Je n’étais pas tout seul, j’ai trouvé en elle une alliée. Merci mon Dieu.

Le mardi sa fille Anne-Claire m’appelle : « papa veut vous parler ». Grosse angoisse : la veille on avait juste échangé des signes, comment allait-il me parler derrière son masque qui chuintait à souhait. J’ai découvert ce jour-là qu’il pouvait encore tenir un stylo et pointer des lettres sur un tableau. Anne-Claire captait les lettres sur une ardoise et en redonnait le sens. J’ai trouvé en Anne-Claire une traductrice attentive des paroles et des émotions de son père. Merci mon Dieu de l’avoir placée sur mon chemin.

S’en est suivi une longue liste des souhaits de Christian : il voulait une cérémonie funéraire à l’église de Saint-Julien, pouvoir encore vivre Noël en famille et entreprendre le 26 décembre une sédation profonde et continue conduisant à la mort. Je lui ai proposé l’onction des malades et il m’a répondu par quatre fois « oui » avec son stylet. Convaincre le curé de faire une exception en accueillant Christian dans son église pourrait ne pas être facile car il était d’une autre paroisse, mais, quand Anne-Claire m’a dit que ce serait son oncle diacre qui ferait la cérémonie, tout s’est arrangé (fluidité).  Nous avons un curé bienveillant et on travaille en toute confiance. Merci Mon Dieu

Le Père Alain a accepté aussi sans sourciller de venir donner l’onction des malades jeudi à quelqu'un qui a décidé de ne plus continuer les soins. Ce fut un moment de grâce avec son épouse et ses filles. Merci à l’Esprit Saint d’avoir si bien huilé tout ça.

En discutant avec mes chers collègues des soins palliatifs je découvrais qu’ils avaient déjà tout mis en œuvre pour la fête en famille le jour de Noël et beaucoup discuté en équipe pour organiser la sédation profonde et continue du 26 décembre dans le respect de la loi Claes-Léonetti et du souhait du patient. J’ai trouvé en eux, appliquant leur technique de soin, beaucoup d’humanité et de respect. Merci mon Dieu, tu parles à travers les soignants, croyants ou non.

Mardi soir j’ai pu prier avec Christian le Christ et la Vierge Marie dans un beau cœur à cœur. Quand la journée a été bien occupée avec plusieurs fins de vie, quel bonheur pour l’aumônier d’hôpital de pouvoir se recueillir dans une chambre en silence, bercé par le souffle de l’appareil respiratoire. Merci mon Dieu pour ces temps de silence.

Jeudi, pouvoir assister à l’onction des malades d’une personne en pleine conscience entourée de sa famille proche, que c’est beau ! Christian savait parfaitement que ce sacrement apportait de la force au malade ET à sa famille et il l’avait demandé expressément. Il était prêt pour le passage, pour une nouvelle naissance, ça coulait de source. (fluidité)

Bel échange dans la salle de repos des familles avec les filles Anne-Claire et Anne-Lise où j’ai pu mesurer tout le poids de la maladie sur les proches. Elles voyaient dans la décision de leur père une libération après tant de souffrance.

Jeudi soir, avec Christian seul, dans l’intimité, on a demandé à Marie de prier pour nous « maintenant et à l’heure de notre mort ». J’ai dit "à Dieu" à Christian, car le lendemain nous partions fêter Noël à Lille dans ma famille.

Mon accompagnement s’arrêtait là, mais pas celui de l’équipe des soignants, du diacre et de tous les amis venus rendre visite à Christian et entourer sa famille. On n’est pas tout seul dans la mission auprès des personnes malades, des mourants, j’en fais encore l’expérience : IL est là au travers de chacun, croyant ou non. C’est ça la VIE ! Merci Seigneur de nous l’avoir donnée.

Christian a rendu son dernier souffle paisiblement le 26 décembre. Les obsèques ont eu lieu le 31, j’étais juste revenu de Lille reprendre mon service à l’hôpital. J’ai pu lui rendre un dernier hommage et écouter Michel le diacre nous livrer un très beau message de VIE et d’ESPERANCE en ce temps de la NAISSANCE du et en Christ.

Charles-Edouard Cordonnier,
Aumônier du CHANGE, site de st Julien, le 08 janvier 2019
Témoignage publié avec l'accord de la famille